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Jean-Philippe LABREZE Cheval Blanc, le 10/03/2013
Collectif des médecins et des citoyens contre
les traitements dégradants de la psychiatrie.
122 avenue du 14 Juillet 1789
13980 ALLEINS Monsieur Alain MILON
Sénateur du Vaucluse
Palais du Luxembourg
75006 PARIS
Monsieur le Sénateur,
Puisque vous me l’avez proposé, je prolonge par écrit mon audition par la commission que vous présidez.
Ainsi que je vous l’ai rappelé, le Collectif a été créé avec un objectif essentiel : alerter sur un certain nombre de pratiques que nous considérons comme préjudiciables à la santé de nos concitoyens et obtenir que le pouvoir politique se saisisse de cette question avec l’urgence qu’elle mérite.
Dès 2004, nous demandions la création d’une Commission composée d’acteurs éclairés de la société civile, médecins, philosophes, historiens, sociologues, psychothérapeutes et de responsables politiques, chargée de faire le point sur les méthodes et les résultats réels de la psychiatrie, ainsi que le stipulait le texte de la pétition remise à trois présidents successifs.
Notre action a consisté essentiellement, dès le départ, en la diffusion de cette pétition et en l’envoi de nombreux courriers en direction des autorités sanitaires et des responsables politiques.
C’était une action citoyenne, cohérente, responsable.
Puisque vous avez souhaité entendre l’un de ses représentants, j’ai répondu positivement à la convocation que vous m’avez adressée.
Ceci étant rappelé, ainsi que le sous-entendait clairement ma déclaration liminaire, je souhaite redire ici qu’il était extrêmement surprenant, voire choquant, d’être convoqué et entendu dans le cadre des travaux d’une commission portant sur « l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé ».
Peut-être aurais-je dû vous demander préalablement ce que vous entendez par « mouvement à caractère sectaire » et vous interroger également sur les raisons de l’audition d’un représentant du Collectif par votre commission.
Si votre commission avait siégé il y a quelques années aurait-elle souhaité entendre le Docteur Irène FRACHON, qui, seule ou soutenue par un petit groupe, dénonçait les dangers du Mediator, poison largement prescrit avec l’aval de nos autorités sanitaires et responsable de tant de préjudices et de vies brisées ?
J’ai écrit de nombreuses fois, redit devant votre commission et souhaite vous communiquer à nouveau dans ce courrier, que la prescription de Ritaline à des dizaines de milliers d’écoliers français pour traiter leur supposé « trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité » est une tragédie qui, selon nous, pourrait donner lieu dans quelques années à un nouveau scandale sanitaire.
Je me permets de vous renvoyer, à ce sujet, aux documents diffusés par le Collectif sur son site et notamment au courrier adresse en septembre 2006 à Monsieur Xavier BERTRAND, ainsi qu’à la traduction de l’intervention du professeur BREGGIN devant le Congrès des Etats-Unis.
Comment justifier l’administration d’une drogue aussi puissamment délétère pour traiter un trouble dont la réalité même est contestée par de nombreux praticiens ?
En ce qui concerne cette pathologie, la démarche de la psychiatrie s’est limitée, une fois de plus, à la définition arbitraire d’un groupe de symptômes parfaitement subjectifs, dont la dimension pathologique est éminemment critiquable, au fait de coller une étiquette sur l’ensemble et, bien entendu, à la préconisation des molécules censées résoudre le problème.
Ce caractère subjectif qui semble constituer une constante dans la démarche psychiatrique, explique probablement l’extrême variabilité du taux de prévalence du THADA puisque, selon les études, ce taux varie de 0,4 à 16%, soit un facteur 40 ! (Cf Dépistage et prévention des troubles mentaux chez l’enfant et l’adolescent. INSERM. 2002).
Ainsi, pour certains auteurs, 4 enfants sur 1000 seraient atteints de ce trouble alors que pour d’autres, ce nombre s’élèverait à 160 pour 1000 !
Comment ne pas être choqué par un tel manque de rigueur, surtout si l’on sait que sur la base d’un tel diagnostic, les enfants peuvent se voir prescrit une drogue responsable de troubles psychotiques, d’épisodes hallucinatoires, d’agressivité, de suicides, de la survenue d’arrêts cardiaques et de troubles de la croissance, ainsi que le stipule la « Black Label » imposée aux laboratoires pharmaceutiques par la FDA.
J’ajouterai que des travaux démontrent le caractère cancérigène du Methylphénidate sur les animaux (cancers du foie chez la souris) et laissent craindre par conséquent de possibles effets cancérigènes chez l’homme.
Le principe de précaution, ou devrais-je dire tout simplement le bon sens, commanderaient selon nous d’en interdire immédiatement l’usage !
En 1987, le Conseil de l’Europe, a défini la maltraitance comme une violence se caractérisant
«par tout acte ou omission commis par une personne s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne, ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière».
En 1992, le Conseil de l’Europe a complété cette définition par une typologie des actes de
maltraitance:
- Violences physiques : coups, brûlures, ligotages, soins brusques sans information ou préparation, non satisfaction des demandes pour des besoins physiologiques, violences sexuelles, meurtres (dont euthanasie)...
- Violences psychiques ou morales : langage irrespectueux ou dévalorisant, absence de considération, chantages, abus d’autorité, comportements d’infantilisation, non respect de l’intimité, injonctions paradoxales...
- Violences médicales ou médicamenteuses : manque de soins de base, non information sur les traitements ou les soins, abus de traitements sédatifs ou neuroleptiques, défaut de soins de rééducation, non prise en compte de la douleur...
- Négligences actives : toutes formes de sévices, abus, abandons, manquements pratiqués avec la conscience de nuire…
- Négligences passives : négligences relevant de l’ignorance, de l’inattention de l’entourage.
S’agissant de l’administration de Methylphénidate à des enfants, nous sommes, à mon sens, très précisément confrontés à une violence intolérable, pour laquelle certains d’entre eux demanderont des comptes dans quelques années, j’en ai la conviction.
Pour rester dans le registre de l’administration de drogues psychotropes aux enfants, j’ajouterai ceci. J’ai, il y a quelques années de cela, rencontré aux Etats-Unis les parents d’une enfant âgée d’une dizaine d’années, qui s’est pendue dans sa chambre quelques jours après avoir été mise sous antidépresseurs et des parents dont les enfants sont décédés en raison de la prise de Ritaline.
Je rappelle d’ailleurs qu’en raison de l’augmentation avérée du risque suicidaire lors de la prise d’antidépresseurs, le NICE (National Institute for Clinical Excellence) britannique, interdit la prescription de ces produits aux enfants âgés de moins de 18 ans.
Comment expliquer qu’aucune décision similaire n’ait été prise en France ?
Ma conviction est que ceux qui savent ont le devoir d’agir. Ce n’est pas une question de choix, c’est une obligation morale ! C’est ce que nous avons souhaité faire à travers l’action du Collectif.
Je ne reviendrai pas davantage ici sur la sismothérapie et vous invite, si vous souhaitez appréhender plus précisément le point de vue du Collectif à ce sujet, à vous reporter au courrier adressé le 24 mars 2004 à Monsieur DOUSTE-BLAZY, alors Ministre de la santé, également disponible sur le site du Collectif.
J’ai également souhaité aborder brièvement la question de la prescription de neuroleptiques car j’ai pensé que les circonstances étaient opportunes.
S’agissant de drogues susceptibles d’être administrées au long cours, contre la volonté des patients très souvent, je considère que l’on ne peut passer sous silence leurs effets délétères et le fait que ces drogues augmentent de façon significative la mortalité globale.
Je vous ai communiqué par exemple l’étude de CASADEBAIG qui retrouve dans une population de patients schizophrènes traités par neuroleptiques une augmentation de la mortalité globale d’un facteur 4,5 et un nombre de suicides multipliés par 20 par rapport à une population témoin !
Peut-on parler ici de « traitement », sans commettre un abus de langage, si l’on garde également à l’esprit que ces produits administrés au long cours diminuent l’espérance de vie des patients de 10 à 12 ans ? (Dr SARAVANE. Président de l’Association pour la promotion des soins somatiques en santé mentale. Marseille. Mars 2007).
Enfin, s’agissant de produits souvent prescrits hors AMM à une population âgée présentant des troubles du comportement, il est important de rappeler également la surmortalité importante dont est responsable cette classe de produits.
Ainsi, l’étude DART-AD (que je vous ai également communiquée), réalisée sur une population de personnes âgées atteintes de maladie d’Alzheimer et traitées par neuroleptiques retrouve une surmortalité considérable dans le groupe « traité » par rapport au groupe témoin.
Chez les personnes recevant des neuroleptiques, le taux de survie à deux ans était de 46% contre 71% pour le groupe placebo et à trois ans, de 30% contre 59% pour le groupe placebo !
Ces résultats sont tout simplement terrifiants. Les familles devraient être averties des puissants effets délétères de ces produits et du fait qu’ils menacent de façon majeure la vie de leurs proches.
En Grande-Bretagne, où cette étude a été conduite, l’on estime que les neuroleptiques sont responsables chaque année du décès anticipé de 100 000 personnes âgées.
Ces résultats concordent d’ailleurs avec ceux d’une étude de l’Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé publiée en 2010, qui a confirmé que les médicaments le plus souvent à l’origine des effets indésirables chez les malades Alzheimer sont les médicaments du système nerveux (59,5 %).
Je souhaite également revenir rapidement sur la (sur)consommation d’anxiolytiques et somnifères par nos concitoyens.
S’agissant de substances prescrites bien souvent pour une durée largement supérieure aux 3 mois prévus par l’arrêté du 7 octobre 1991, la revue Prescrire rappelait dans son numéro de mars 1987 que les benzodiazépines n’ont plus aucune efficacité au-delà de 3 mois. Les effets délétères d’une prescription au long cours sont par contre nettement et indiscutablement établis.
Ainsi, une étude épidémiologique récente, conduite par le Professeur BEGAUD montre que ces produits seraient responsables chaque année de 16 000 à 31 000 cas de maladie d’Alzheimer supplémentaires par an (Science et Avenir. N° 776. Octobre 2011).
Une autre étude récente concernant les somnifères (essentiellement Stilnox et les benzodiazépines) (BMJ Open 2012;2. Pharmacology and therapeutics. Hypnotics association with mortality or cancer: a matched cohort study. Daniel F Kripke1, Robert D Langer, Lawrence E Kline) souligne l’augmentation des décès, multipliés par 4, et une augmentation de 35% des cancers.
Enfin, nous considérons que l’on ne peut manquer d’évoquer le rôle des psychotropes dans la survenue de nombreuses tragédies, qu’il s’agisse de suicides ou de violence meurtrière.
Je citerai simplement ici 2 études et rappellerai quelques faits.
- David HEALY, Professeur de psychiatrie de l’Université du Pays de Galle, a conduit l’étude suivante :
Il a recruté 10 volontaires sains auxquels il a donné du Zoloft (médicament pris par le DR BECAUD. Cf ci-dessous). Quelques jours seulement après le début du traitement, deux d’entre eux ont commencé à être habités par des pensées suicidaires.
Commentaires du psychiatre. « Les gens deviennent hostiles, agressifs, suicidaires, perdent leurs inhibitions. Certains, par exemple, se mettent en tête d’aller acheter des armes. Chacun d’entre nous est sujet à des pulsions qu’il contrôle plus ou moins. Avec ces médicaments, comme avec les street drugs (cocaïne, crack), les gens n’arrivent plus à contrôler leurs pulsions ».
- L’étude conduite par le Docteur Eric BONNE.
Elle a porté sur 308 personnes décédées par suicide, connues des services de Médecine Légale des villes de Saint-Etienne et de Lyon. (La santé des suicidés. Thèse du Dr Eric BONNE. Faculté de Médecine, St Etienne – Sept. 2005).
Les conclusions sont édifiantes :
« En ce qui concerne la consommation de soins, dont les consultations médicales, hospitalisations, prescriptions médicamenteuses et leur type, on note par rapport aux sujets témoins une surconsommation de consultations chez le médecin généraliste et à un degré moindre chez le psychiatre, chez les hommes et chez les femmes à tous les âges de la vie. Pour les deux sexes et au-delà de 30 ans, on observe une surconsommation de médicaments psychotropes, antidépresseurs notamment, hypnotiques et tranquillisants et surtout en poly-thérapie.
L’étude a permis d’attirer l’attention sur la corrélation statistiquement significative entre l’augmentation récente de la prescription des médications psychotropes (moins d’un mois) et le geste suicidaire ».
Cette étude ne fait que confirmer ce que les propres études des compagnies pharmaceutiques ont elles-mêmes montré, en l’occurrence une augmentation significative du risque suicidaire et ce, bien que les patients ayant déjà présenté des idées suicidaires soient systématiquement écartés des essais !
Les quelques exemples ci-dessous ne sont qu’un aperçu des tragédies imputables à la prise de ces psychotropes. (Une liste plus complète, elle-même non exhaustive peut être consultée à l’adresse suivante: http://www.globalresearch.ca/the-colorado-batman-shooter-de-mystifying-mass-murder-in-america/32135).
- Mars 2009 (Grande Bretagne) : Tim Kreschmer, un jeune homme de 17 ans retourne dans son ancienne école et tue 15 étudiants et professeurs avec un pistolet Beretta subtilisé à son père. L’année précédente, le jeune homme avait séjourné à plusieurs reprises dans une clinique psychiatrique. D’après un article dans la presse britannique, il prenait bien des psychotropes !
- Plus tôt dans l’année 2009, c’est cette fois en Belgique que l’horreur absolue est atteinte. Un adolescent entre dans une crèche, tue 3 bébés, une éducatrice et blesse plus d’une dizaine d’autres personnes. Il agit à l’arme blanche.
Pour une fois, le débat ne portera pas sur l’accès aux armes à feu mais s’orientera sur le suivi psychiatrique de ce jeune homme dément. On apprendra qu’il était suivi en psychiatrie et était sous traitement psychotrope.
La psychiatrie est mise en cause dans les médias belges.
La France n’échappe pas à ce phénomène.
- Le cas de Richard Durn, le tueur de Nanterre est encore dans toutes les mémoires.
Ce dernier tue 8 personnes et en blesse 14 autres lors d’un Conseil Municipal à Nanterre en 2002. Il se suicide le lendemain. Des journaux ont rapporté que Richard Durn prenait du Prozac et était suivi par le service de psychiatrie du bureau parisien d’aide psychologique universitaire.
Cette affaire a constitué le point de départ en France d’une réflexion sur le rôle des médicaments psychotropes dans les passages à l’acte violent.
Le journal le Figaro s’interroge alors sur la responsabilité des antidépresseurs dans la violence de Durn : « Une question se pose : la prise de certains antidépresseurs peut-elle déclencher le basculement d’un individu dans la plus implacable des violences ? ».
- Mai 2010 en France, le Docteur BECAUD massacre sa femme et ses 4 enfants à coups de bûche. Peu de temps auparavant, il s’était prescrit du Zoloft, l’antidépresseur utilisé par le Professeur HEALY pour conduire son expérience (cf supra).
Quant aux tragédies récentes ayant endeuillé les Etats-Unis, il est établi que les tueurs étaient sous psychotropes :
- Virginia Tech. Avril 2007: 33 morts, 19 blessés. Le tueur, Seung-Hui Cho était sous antidépresseur.
- Centre commercial d’Omaha (Etat du Nebraska. Décembre 2007) : 8 morts, 5 blessés. Robert Hawkins, 19 ans, était sous Valium et antidépresseur.
- Le 14 décembre 2012, Adam Lanza pénètre dans l’école Sandy Hook et exécute 26 personnes (20 enfants et 6 adultes).
Il est établi qu’il prenait du Fanapt, autorisé par la FDA en 2009.
Initialement rejeté par la FDA, cet antipsychotique a été repris par un autre laboratoire et finalement commercialisé car les effets indésirables ont été estimés "non fréquents".
Au nombre de ces « effets indésirables » figurent pourtant, l’agitation, l’agressivité, les accès maniaques ou de paranoïa ainsi que des impulsions incontrôlables et des dépressions profondes.
Le Collectif a souhaité soulever des problèmes dont la réalité est incontestable.
Nous refusons cette vision biologisante, déterministe, normative et l’avènement du meilleur des mondes, dans lequel la psychiatrie, à coups de diagnostics artificiels, déterminera le normal et le déviant et où la chimie fournira l’arsenal thérapeutique sensé normaliser les comportements.
Nous espérons avoir pu, par cette audition et le complément d’informations fourni à votre demande, éclairer votre commission sur un état de fait qui, selon nous, menace très concrètement la santé de nos concitoyens et est indiscutablement responsable d’un nombre considérable de tragédies et de vies brisées.
Les drogues psychotropes, plus encore que les drogues « illégales », du fait de l’ampleur de leur consommation, sont selon nous, directement responsables de la hausse de la violence à laquelle sont confrontées nos sociétés.
L’ampleur de ce danger pourrait d’ailleurs, très légitimement, justifier la création d’une commission d’enquête sur les psychotropes.
Restant à votre disposition pour tout complément d’information, je vous prie d’agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de mes respectueuses salutations.
Jean-Philippe LABREZE